Wednesday, February 10, 2016

 

Appreciation of Ancient Religion

Ernest Renan (1823-1892), Studies of Religious History and Criticism, tr. O.B. Frothingham (New York: Carleton, 1864), pp. 63-64:
Religions strike so deeply into the inmost fibres of the human consciousness, that a scientific explanation of them becomes, from a distance, almost impossible. No efforts of the most subtle criticism can correct the false position in which we find ourselves placed with regard to these primitive works. Full of life, of feeling, of truth for the people who have animated them with their breath, they are but dead letters, sealed hieroglyphics to us; created by the simultaneous effort of all the faculties acting in perfect harmony, they are for us but objects of curious analysis. To construct the history of a religion, one need not believe it now, but one must needs have believed it once. We rightly comprehend no worship save that which has stirred in us the first impulse towards the ideal. Who can be just to Catholicism if he has not been cradled in that wondrous legend—if, in the music of its hymns, the ceilings of its temples, the symbols of its devotion, he does not revive the first sensation of his religious life? The most essential condition of a fair appreciation of ancient religion will for ever therefore be missing with us, for one must have lived in the bosom of those religions, or at least be able to reproduce the sentiment they convey, with a depth that the most privileged historical genius can scarcely attain. With all our efforts, we shall never so frankly renounce our modern ideas as to find the tissue of fables which is commonly offered as the belief of Greece and Rome, anything but an absurdity unworthy the attention of a serious man. For persons unfamiliar with historical science, it is an endless subject of astonishment to see men who are presented to them as masters of the human mind, adoring gods, drunken and adulterous, and admitting extravagant stories, and scandalous adventures among their religious dogmas. The simplest thinks he has a right to shrug his shoulders at such prodigious infatuation. We must, however, start from this principle, that the human mind is never absurd on purpose, and that whenever the spontaneous creations of the mind appear to us senseless, it is because we do not understand them.

Les religions tiennent si profondément aux fibres intimes de la conscience humaine, que l'interprétation scientifique en devient à distance presque impossible. Les efforts de la critique la plus subtile ne sauraient redresser la position fausse où nous nous trouvons vis-àvis de ces œuvres primitives. Pleines de vie, de sens, de vérité pour les peuples qui les ont animées de leur souffle, elles ne sont plus à nos yeux que des lettres mortes, des hiéroglyphes scellés; créées par l'effort simultané de toutes les facultés agissant dans la plus parfaite harmonie, elles ne sont plus pour nous qu'un objet de curieuse analyse. Pour faire l'histoire d'une religion, il faut ne plus y croire, mais il faut y avoir cru : on ne comprend bien que le culte qui a provoqué en nous le premier élan vers l'idéal. Qui peut être juste envers le catholicisme s'il n'a été bercé de cette légende admirable, si dans les accents de ses hymnes, dans les voûtes de ses temples, dans les symboles de son culte, il ne retrouve les premières sensations de sa vie religieuse? La condition la plus essentielle pour bien apprécier les religions de l'antiquité nous manquera donc à jamais; car il faudrait avoir vécu dans le sein de ces religions, ou du moins en faire renaître en soi le sentiment avec une profondeur dont le génie historique le plus privilégié serait à peine capable. Quelque effort que nous fassions, nous ne renoncerons jamais assez franchement à toutes nos idées modernes pour ne pas trouver absurde et indigne d'occuper un homme sérieux l'ensemble des fables que l'on présente d'ordinaire comme la croyance de la Grèce et de Rome. C'est pour les personnes peu versées dans les sciences historiques un éternel sujet d'étonnement de voir les peuples qu'on leur présente comme les maîtres de l'esprit humain adorer des dieux ivrognes et adultères, et admettre parmi leurs dogmes religieux des récits extravagants, de scandaleuses aventures. Le plus simple se croit en droit de hausser les épaules sur un aussi prodigieux aveuglement. Il faudrait cependant partir de ce principe, que l'esprit humain n'est jamais absurde à plaisir, et que toutes les fois que les œuvres spontanées de la conscience nous apparaissent comme dénuées de raison, c'est qu'on ne sait pas les comprendre.



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