Tuesday, March 07, 2017

 

The New Völkerwanderung

Emil Cioran (1911-1995), Écartèlement (tr. ‎Richard Howard):
In the Métro, one evening, I looked closely around me: everyone had come from somewhere else ... Among us, though, two or three faces from here, embarrassed silhouettes that seemed to be apologizing for their presence. The same spectacle in London.

Today's migrations are no longer made by compact displacements but by successive infiltrations: little by little, individuals insinuate themselves among the "natives," too anemic and too distinguished to stoop to the notion of a "territory." After a thousand years of vigilance, we open the gates ...

When one thinks of the long rivalries between the French and the English, then between the French and the Germans, it seems as if each nation, by weakening one another, had as its task to speed the hour of the common downfall so that other specimens of humanity may relay them. Like its predecessor, the new Völkerwanderung will provoke an ethnic confusion whose phases cannot be distinctly foreseen. Confronted with these disparate profiles, the notion of a community homogeneous to whatever degree is inconceivable. The very possibility of so heteroclite a crowd suggests that in the space it occupies there no longer existed, among the indigenous, any desire to safeguard even the shadow of an identity. At Rome, in the third century of our era, out of a million inhabitants, only sixty thousand were of Latin stock. Once a people has fulfilled the historical idea which was its mission to incarnate, it no longer has any excuse to preserve its difference, to cherish its singularity, to safeguard its features amid a chaos of faces.

Having governed two hemispheres, the West is now becoming their laughingstock: subtle specters, end of the line in the literal sense, doomed to the status of pariahs, of flabby and faltering slaves, a status which perhaps the Russians will escape, those last White Men. Because they still have some pride, that motor, no, that cause of history. When a nation runs out of pride, when it ceases to regard itself as the reason or excuse for the universe, it excludes itself from becoming.

Dans le métro, un soir, je regardais attentivement autour de moi, nous étions tous venus d'ailleurs ... Parmi nous pourtant, deux ou trois figures d'ici, silhouettes embarrassées qui avaient l'air de demander pardon d'être là. Le même spectacle à Londres.

Les migrations, aujourd'hui, ne se font plus par déplacements compacts mais par infiltrations successives: on s'insinue petit à petit parmi les «indigènes», trop exsangues et trop distingués pour s'abaisser à l'idée d'un «territoire». Après mille ans de vigilance, on ouvre les portes ...

Quand on songe aux longues rivalités entre Français et Anglais, puis entre Français et Allemands, on dirait qu'eux tous, en s'affaiblissement réciproquement, n'avaient pour tâche que de hâter l'heure de la déconfiture commune afin que d'autres spécimens d'humanité viennent prendre la relève. De même que l'ancienne, la nouvelle Völkerwanderung suscitera une confusion ethnique dont on ne peut prévoir nettement les phases. Devant ces gueules si disparates, l'idée d'une communauté tant soit peu homogène est inconcevable. La possibilité même d'une multitude si hétéroclite suggère que dans l'espace qu'elle occupe n'existait plus, chez les autochtones, le désir de sauvegarder ne fût-ce que l'ombre d'une identité. A Rome, au IIIeme siècle de notre ère, sur un million d'habitants, soixante mille seulement auraient été des Latins de souche. Dès qu'un peuple a mené à bien l'idée historique qu'il avait la mission d'incarner, il n'a plus aucun motif de préserver sa différence, de soigner sa singularité, de sauvegarder ses traits au milieu d'un chaos de visages.

Après avoir régenté les deux hémisphères, les Occidentaux sont en passe d'en devenir la risée: des spectres subtils, des fin de race au sens propre du terme, voués à une condition de parias, d'esclaves défaillants et flasques, à laquelle échapperont peut-être les Russes, ces derniers Blancs. C'est qu'ils ont encore de l'orgueil, ce moteur, non, cette cause de l'histoire. Quand une nation n'en possède plus, et qu'elle cesse de s'estimer la raison ou l'excuse de l'univers, elle s'exclut elle-même du devenir.



<< Home
Newer›  ‹Older

This page is powered by Blogger. Isn't yours?